EnFin

Sep 8, 2024

Pedro Almodóvar, enfin récompensé à Venise, pour "The Room Next Door" Samedi soir, le jury de la 81e Mostra de Venise, a offert le Lion d'or au cinéaste espagnol, qui décroche son premier prix majeur dans un grand festival. Dommage que ce ne soit pas pour l'un de ses plus grands films… Publié le 08-09-2024 à 13h19 Samedi soir, l'Espagnol Pedro Almodovar a obtenu le Lion d'or pour son film "The Room Next Door", lors de la cérémonie de clôture de la 81e Mostra de Venise. ©AFP or licensors Partager Fermer Samedi soir, à l'issue de la cérémonie de clôture de la 81e Mostra de Venise, la présidente du jury Isabelle Huppert a décerné le Lion d'or à The Room Next Door , succédant à Pauvres créatures du Grec Yorgos Lanthimos, récompensé l'année dernière. Souvent snobé à Cannes (notamment pour Tout sur ma mère, Volver ou Douleur et Gloire ), Pedro Almodóvar remporte son premier grand prix dans un festival majeur, cinq ans après avoir déjà été honoré à Venise d'un Lion d'or d'honneur. Après une longue ovation de la Sala Grande du Palazzo del Cinema, Almodóvar a d'abord salué ses deux actrices, Tilda Swinton et Julianne Moore. "En tant que réalisateur, l'un de nos privilèges, c'est d'être le premier témoin d'un miracle devant la caméra. Tant Tilda que Julianne ont fait des miracles pendant ce tournage. Je n'aurai jamais assez de mots pour les remercier. Julianne, Tilda, ce prix est pour vous !" Le droit de mourir dans la dignité Incarnant une femme atteinte d'un cancer incurable, la Britannique Tilda Swinton (qui avait déjà accompagné le cinéaste sur le Lido en 2020 pour le moyen métrage La Voix humaine d'après Jean Cocteau) est une fois encore remarquable, face à l'Américaine Julianne Moore. Laquelle incarne l'amie qui accepte de l'accompagner dans ses derniers jours… "Le film parle d'une femme qui agonise et d'un monde qui agonise", a précisé le cinéaste de 74 ans, se livrant à un plaidoyer pour le droit de mourir dans la dignité. "Je pense qu'il s'agit d'un droit fondamental. Il faut affronter ce problème de façon humaine. Je sais que ce droit s'oppose aux croyances selon lesquelles Dieu est à l'origine de la vie, mais je demande à tous les fidèles de respecter cette décision. L'être humain doit être libre de vivre et de mourir, aussi, lorsque la vie devient impossible." Bénéficiant du talent de ses deux immenses actrices, mis en scène avec une grande précision, The Room Next Door, premier long métrage anglophone de l'Espagnol, est un thriller mécanique, assez froid. Qui appartient clairement à la seconde période d'Almodóvar, plus sombre, moins mélodramatique que celle de ses grands films espagnols. Spanish director Pedro Almodovar poses with the Golden Lion for Best Film he reveived for 'The Room Next Door' during a photocall following the award ceremony of the 81st Venice Film Festival on September 7, 2024 at Venice Lido. (Photo by Marco BERTORELLO / AFP) ©AFP or licensors Le poids de la guerre Composé notamment des cinéastes James Gray, Agnieszka Holland et Kleber Mendonça Filho, le jury d'Huppert ne pouvait pas passer à côté de Vermiglio , l'un des grands films de la quinzaine. Le Lion d'or lui a échappé, mais son Grand Prix du jury est amplement mérité. Filmant Vermiglio, le village natal de son père, l'Italienne Maura Delpero a livré une chronique paysanne d'une grande sensibilité, en observant les conséquences de la Seconde Guerre mondiale sur les habitants de ce hameau des Alpes italiennes en 1944, notamment sur les filles et les jeunes femmes. L'écho du retour de la guerre a traversé la sélection de cette 81e édition du Festival de Venise. Le sujet était au cœur de nombreux films, comme Campo di battaglia de Gianni Amelio en Compétition, mais aussi de Why War, essai passionnant d'Amos Gitai présenté hors Compétition. Au lendemain des attaques du Hamas du 7 octobre 2023 et alors que les populations civiles sont massacrées à Gaza, l'Israélien y réfléchit aux raisons psychologiques de la guerre, en s'inspirant de la correspondance entre Freud et Einstein au lendemain du premier conflit mondial. La cinéaste italienne Maura Delpero a décroché le Grand Prix du jury pour son merveilleux "Vermiglio". ©AFP or licensors La guerre infuse également The Brutalist de Brady Corbet, qui a décroché le prix de la mise en scène, ainsi que le prix de la critique internationale. En trois heures et demie (dont un entracte bienvenu d'un quart d'heure), le jeune cinéaste américain dresse le portrait de László Tóth, un architecte juif hongrois ayant réchappé aux camps de la mort, tentant sa chance auprès d'un richissime industriel de Pennsylvanie. Si le film est porté par un grand Adrien Brody, comme toujours chez Corbet (auteur de L'Enfance d'un chef, d'après Sartre, en 2015 et de Vox Lux avec Nathalie Portman en 2018, tous deux montrés à Venise), la mise en scène est aussi brillante qu'appuyée… Même si le réalisateur réussit le tour de force de réellement donner vie à ce personnage fictif et à sa vision de l'architecture. Le retour du pire Évoqué à travers l'ombre de la Shoah planant sur The Brutalist, l'autre grand thème de cette Mostra de Venise aura été la montée des fascismes un peu partout dans le monde. C'était le sujet de The Order de Justin Kurzel en Compétition, qui retrace un complot de suprémacistes blancs néo-nazis dans l'Amérique des années 1980. Toute ressemblance avec certains supporters de Donald Trump étant tout sauf anodine… Tandis que, dans M, l'enfant du siècle, série présentée hors Compétition, le Britannique Joe Wright adapte le livre d'Antonio Scuratin pour retracer l'accession au pouvoir de Benito Mussolini, campé par le formidable Luca Marinelli. Récompensé du prix du scénario, I'm Still Here de Walter Salles revient, lui, sur la dictature brésilienne des années 1970, dans un thriller efficace avec lequel le cinéaste brésilien faisait un parallèle direct avec les années Bolsonaro. Le Prix Mastroianni du jeune acteur est allé à Paul Kircher. Découvert dans Le Lycéen de Christophe Honoré, revu dans Le Règne animal de Thomas Cailley, le fils d'Irène Jacob épate dans Leurs enfants après eux des frères Zoran et Ludovic Boukherma, dans le rôle d'un adolescent prisonnier de sa condition sociale dans cette même Lorraine, cette fois dans les années 1990. À Venise, cette adaptation du roman de Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018) apparaissait comme une sorte de "prequel" à Jouer avec le feu. Vincent Lindon, tout sourire avec sa Coupe Volpi du meilleur acteur, pour son rôle dans "Jouer avec le feu" des soeurs Coulin. Nicole Kidman adoubée Comme prévu, Nicole Kidman a, elle, décroché la Coupe Volpi de la meilleure actrice pour sa composition dans Babygirl de la Néerlandaise Halina Reijn. Huppert ne pouvait rester insensible à ce thriller érotique dans la lignée du Elle de Paul Verhoeven. Vingt-et-un ans après son Ours d'argent à la Berlinale pour The Hours, la star australienne se voit à nouveau récompensée dans un grand festival, pour un rôle osé, celui d'une femme d'entreprise entamant une relation empreinte de perversité avec un jeune stagiaire. Ayant appris la mort de sa mère à son arrivée à Venise, samedi, Kidman n'a finalement pas pu venir chercher son prix. Enfin, du côté de la section parallèle des Orizzonti, le Roumain Bogdan Mureșanu s'est imposé avec The Year That Never Came, faisant le doublé entre le prix du meilleur film et celui de la critique internationale. Autre film très remarqué, le magnifique Familiar Touch. Racontant de façon naturaliste, quasi documentaire, le placement en maison de repos d'une octogénaire californienne, celui-ci a permis à Sarah Friedland de décrocher le prix de la mise en scène, le prix de la meilleure actrice pour Kathleen Chalfant, mais aussi le Lion d'or du futur du meilleur premier film. La jeune réalisatrice géorgienne Dea Kulumbegashvili a obtenu le prix spécial du jury pour son envoûtant "April". ©AFP or licensors Palmarès Lion d'argent – Grand prix du jury : Vermiglio (Italie/France/Belgique) de Maura Delpero Lion d'argent de la meilleure réalisation : The Brutalist de Brady Corbet (États-Unis/Royaume-Uni/Hongrie) Coupe Volpi de la meilleure actrice : Nicole Kidman dans Babygirl (États-Unis) de Halina Reijn Coupe Volpi du meilleur acteur : Vincent Lindon dans Jouer avec le feu (France) de Delphine Coulin et Muriel Coulin Prix du meilleur scénario : Murilo Hauser et Heitor Lorega pour I'm Still Here (Brésil-France) de Walter Salles Prix spécial du jury : April (Géorgie/France/Italie) de Dea Kulumbegashvili Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir : Paul Kircher dans Leurs enfants après eux de Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma Orizzonti Meilleure réalisation : Sarah Friedland pour Familiar Touch (États-Unis) Prix spécial du jury : One of Those Days When Hemme Dies (Turquie) de Murat Fıratoğlu Meilleure actrice : Kathleen Chalfant dans Familiar Touch (États-Unis) de Sarah Friedland Meilleur acteur : Francesco Gheghi dans Famiglia de (Italie) Francesco Costabile Meilleur scénario : Scandar Copti pour Happy Holidays (Palestine/Allemagne/France/Italie/Qatar) Meilleur court métrage : Who Loves the Sun (Canada) d'Arshia Shakiba Orizzonti Extra